Se » faire saint » à la force du poignet, en enchaînant les thérapies, les purifications, les jeûnes, un mélange de techniques et de loyales recherches de Dieu, ou emprunter la petite voie? Un accompagnement spirituel devra aider au fil du temps à démêler le pélagianisme caché en toute démarche sincère de conversion, avant d’entrer dans la petite voie…en espérant que ceux-là même qui la prêchent y entrent eux-même…!!!!
Pélage, ou Thérèse ?
Celui qui se convertit devient petit devant Dieu…
» L’implication mutuelle du don et du devoir apparaît dans toute sa clarté dans les paroles de Jésus : » En vérité je vous le dis, si vous ne retournez pas à l’état des enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume des Cieux » ( Mt 18, 3). Behm donne ce commentaire : » Être enfant…cela signifie être petit, avoir besoin d’aide et s’y montrer disposé. Celui qui se convertit devient petit devant Dieu…prêt à le laisser agir en soi. Les enfants du Père Céleste que Jésus annonce…sont à son égard tout simplement en état de réceptivité. Il leur donne ce qu’ils ne peuvent pas se donner eux-mêmes…Cela vaut aussi de la métanoïa ( conversion, changement). Elle est un don de Dieu et ne cesse pas pour autant d’être une exigence et un devoir. » ( Joseph Ratzinger, les Principes de la Théologie catholique, Parole et Silence, Téqui, 2008, p 69)
Thérèse de Lisieux expliquée par le cardinal Ratzinger.
On est loin de l’analyse des faiblesses psychologiques ( ou des forces psychologiques) de Thérèse. La petite voie ne concerne pas l’enfance psychologique et ses événements mais le fait de se reconnaître petit devant Dieu. L’ouverture de l’Histoire d’une Âme centre le propos sur l’action de Dieu dans la vie de Thérèse, et non pas sur Thérèse elle-même. Il en est de même pour les Confessions de saint Augustin que Thérèse cite un peu plus loin. Thérèse cherche la vérité de son âme, et jamais ses blessures. cette vérité, elle la trouve » en chantant les Miséricordes du Seigneur pour elle.
» C’est à vous, ma Mère chérie, à vous qui êtes deux fois ma Mère, que je viens confier l’histoire de mon âme… Le jour où vous m’avez demandé de le faire, il me semblait que cela dissiperait mon coeur en l’occupant de lui-même, mais depuis Jésus m’a fait sentir qu’en obéissant simplement je lui serais agréable ; d’ailleurs je ne vais faire qu’une seule chose : Commencer à chanter ce que je dois redire éternellement : » Les Miséricordes du Seigneur… » (NHA 101) (Ps 89,2) «
Tout un mouvement de » petits » saints. Thérèse, un prototype ?
» Ida Friderike Görres a noté dans son journal qu’elle est de plus en plus persuadée que Thérèse n’a pas été la seule, qu’elle n’est que le prototype de tout un mouvement de » petits » saints qui, au tournant du siècle, sans savoir rien les uns des autres, et comme en vertu d’une loi secrète, sont nés dans l’Eglise et ont fait leur chemin sans se faire remarquer. Elle dit alors quelques motd du jésuite irlandais William Doyle , tué en 1917 à Ypres, et qui était né la même année que Thérèse. On a de lui des mots aussi spendides que celui-ci : » Je ne crois pas qu’il me serait possible de trouver dans ce que je fais la moindre nourriture pour la vanité et la fierté…pas plus qu’un joueur d’orgue de Barbarie ne peut tirer vanité de la belle musique qu’il produit quand il tourne la manivelle…j’ai honte quand les gens me louent…comme un piano devrait avoir honte si on le féliciatait de la belle musique qui sort de ses touches. »
Accompagnement spirituel et sainteté cachée.
La sainteté cachée est moins attirante ! Ecoutons la remarque pleine d’humour d’Ida Görres reprise par le cardinal Ratzinger :
» I. D. ¨Görres ajoute cette remarque : » La sainteté cachée dans l’Eglise, c’est quelque chose. On peut penser qu’il y a des douzaines de telles personnes…dont on ne remarque rien. » Et elle se demande avec une certaine irritation pourquoi » on fait une telle affaire de la petite Thérèse qui n’est pourtant qu’une parmi d’autres. » Mais il semble bien que les gens accueillent de telles choses de préférence des mains d’une jeune fille jolie comme une image, avec son sourire, ses roses et son voile. On peut se demander si Thérèse aurait eu le même puissant écho si elle avait été d’une laideur irrémédiable, bossue ou atteinte de strabisme ou quelque chose de ce genre, ou si elle était devenue très vieille. »
Un autre modèle surprenant de la » petite voie », qui justement était d’une laideur irrémédiable…et ne fut pas » caché » au sens où on l’entend.
» Je crois que nous possédonc aujourd’hui une sorte de réponse à cette question – et très inattendue. En effet, il me semble que nous pouvons tous témoigner de l’existence d’un saint de cette » vague » : Jean XXIII. Celui qui lit son Journal est d’abord déçu et ne peut pas croire que cette ascèse démodée de séminaire et le grand Pape du renouveau sont une seule et même personne. Mais il fait voir l’un dans l’autre pour le voir correctement, pour le percevoir dans son intégralité. Ce journal, commencé à une époque où Thérèse vivait encore, est en vérité une » petite voie », pas du tout une voie de grandeur. Il commence par la spiritualité moyenne d’un prêtre italien , directeur de séminaire en ces années-là, spiritualité un peu sentimentale, un peu étroite et pourtant grande ouverte sur l’essentiel. Et c’est justement en suivant avec persévérance cette voie qu’a mûri l’ultime simplicité spirituelle qui ouvre le regard et qui a embelli ce vieil homme, petit et gras, par un rayonnement venant de l’intérieur. Là, tout est don, et pourtant, tout est conversion-métanoia, celle qui fait les chrétiens et forge les saints. » On peut penser qu’il y a des douzaines de telles personnes, dit I. D Görres- en vérité, nous devrions tous essayer d’appartenir à ce nombre. Car ce n’est qu’alors que nous sommes chrétiens. » ( Joseph Ratzinger, les Principes de la Théologie catholique, Parole et Silence, Téqui, 2008, p 70)