» Comme » : » comme votre Père céleste est parfait ».
Matthieu, 18:23-35
La personne qui m’a posé cette question, n’était manifestement pas totalement convaincue qu’il fallait toujours pardonner et tout, sans exception. Elle se doutait bien que la réponse d’un prêtre ne pouvait pas différer de celle du Christ Lui-même. Elle avait d’ailleurs déjà prévu les questions suivantes, qu’elle me poserait, si je répondais que l’on doit tout pardonner ! Le premier élément de réponse, qui vient immédiatement à un catholique, même s’il n’est pas un grand familier de la lecture de l’Évangile, est donné par la cinquième demande du Notre Père : « Pardonnez-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés » (Mt 6, 12). Ce petit mot, « comme », est utilisé à plusieurs reprises par le Christ. Celui-ci nous enseigne que l’exemple vient de ce Dieu, à l’image et à la ressemblance duquel nous avons été créés. L’Évangile nous en donne quelques exemples : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5, 47), « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux » (Lc 6, 36), « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 13, 34).
Un pardon…exorbitant ?
Dans le cas du pardon, l’utilisation du « comme » signifie très clairement que la miséricorde infinie du Père ne peut nous atteindre si nous n’avons pas auparavant montré nous-mêmes notre capacité à pardonner. La parabole du serviteur impitoyable pour son compagnon, qui ne lui doit que cent deniers, est sans ambiguïté : « C’est ainsi que mon Père céleste vous traitera aussi si chacun de vous ne pardonne pas à son frère du fond du cœur. » Cette parabole (Mt 18, 23-35) fait suite à une question de Pierre, qui manifestement pense exorbitant de devoir pardonner à son frère sept fois dans une seule journée ! Or Jésus lui a répondu : « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois ! » (Mt 18, 22). On imagine la tête de ce brave Pierre.
L’enjeu.
Revenons au Notre Père, qui est LA prière que Jésus a enseignée à ses Apôtres, quand ils Lui ont demandé : « Seigneur, apprends-nous à prier » (Lc 11, 1-4). Pour le catholique, non contaminé par les dérives de la psychologie moderne, cette cinquième demande est à la fois nécessaire, puisque le juste pèche, dit-on, au moins sept fois par jour, et redoutable puisque, pour être exaucé, il faut avoir pardonné. J’étais donc bien convaincu que mon interlocuteur avait en réserve une seconde et immédiate question à poser. Effectivement la question est sortie sans tarder : « Mais est-il possible de TOUT pardonner ? ». Je n’ai pas répondu immédiatement à cette nouvelle question, car je voulais d’abord faire comprendre en profondeur à mon interlocuteur qu’en tout état de cause, l’enjeu qui se présente à lui n’est rien d’autre que son salut éternel. J’ai trop l’habitude de constater à quel point l’on peut édulcorer le chapitre 25 de saint Matthieu sur le jugement dernier et la réalité de l’enfer. Pourtant il ne me semble pas anodin que Marie ait jugé bon de montrer aux petits-enfants de Fatima cette terrible réalité. Il s’agissait non de les effrayer mais de les mobiliser dans la prière et l’offrande de leur vie pour le salut des pécheurs. D’ailleurs, si le Christ a donné sa vie sur la Croix pour notre salut, c’est bien que l’enjeu était crucial. À un moment de notre échange, j’ai senti que le message des fins dernières était bien passé, et j’ai commencé à aborder la réponse à la deuxième question : « Est-il possible de TOUT pardonner ? ». Et donc à suivre…
Père Y. Bonnet