Anthropologie du bonheur : ils font la fête parce qu’ils ne sont pas heureux….

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1) Le sens de la vie.  » Ils font la fête parce qu’ils ne sont pas heureux… » Les articles suivants donnent quelques bases anthropologiques du bonheur, anthropologiques parce qu’elles veulent redonner accès à la  » compréhension du mystère de l’être humain dans sa relation avec Dieu » selon la belle définition de l’anthropologie donnée par le Cardinal Vingt-Trois. ( Introduction au livre d’Angelo Scola, le Mystère des Noces, Edition Parole et Silence 2012, p 8).

 


Le sens de la vie n’est pas de l’ordre de l’avoir mais de l’être.

Anthropologie du bonheur : ils font la fête parce qu'ils ne sont pas heureux....
Pourquoi vais-je vous parler du sens de la vie? Je partirais d’une anecdote douloureuse qui m’est arrivée pendant que je dirigeais l’école de chimie de Lyon.
J’avais besoin de toucher la taxe d’apprentissage qui représentait une fraction importante de mon budget. J’avais quelques amis, anciens de l’industrie comme moi, qui m’envoyaient chaque année des chèques qui n’étaient pas négligeables.
Un jour, j’ai au téléphone l’un d’eux- qui de surcroît était un ami de jeunesse- et j’entends, à sa voix, que cela ne va pas bien. Je lui demande ce qui se passe et, avec des sanglots dans la voix, il me dit :  » J’ai trouvé ma fille pendue dans sa chambre d’étudiante ». Elle avait « bricolé » elle-même le crochet auquel elle s’est pendue ; vu l’énorme bricolage, elle avait sans doute prémédité cela depuis longtemps sans que personne s’en doute. Elle avait laissé un papier disant qu’elle n’avait aucun problème : ni sentimental, ni économique, ni universitaire…mais qu’elle ne trouvait aucun sens à sa vie et qu’elle la quittait donc délibérément.
Et mon ami ajouta :  » Et pourtant, elle avait tout ce qu’elle voulait. » J’ai été bouleversé par cela, car il est terrible pour des parents de savoir que leur fille n’a pas trouvé de sens à sa vie. Elle « avait  » tout ce qu’elle voulait. Mais elle était dans le  » mal-être ». Car le sens de la vie n’est pas de l’avoir mais de l’être.

C’est notre devoir, à nous, les  » vieux » de transmettre une expérience pour aider les jeunes, sans donner de leçons !

Il y a aujourd’hui beaucoup de jeunes- et de moins jeunes- qui sont dans le mal-être. Et cette montée du suicide, à un âge de plus en plus précoce, est très impressionnante. Hélas, il y a aussi beaucoup de suicides d’adultes de tous âges dans les pays développés, et bien moins dans les pays  » en voie de développement ». C’est la première raison pour laquelle j’ai choisi de vous parler du sens de la vie.
La seconde raison qui a guidé mon choix, c’est que nous, les  » vieux », – j’ai 78 ans!- c’est notre devoir de transmettre une expérience, une analyse du vécu que nous avons eu, et d’apporter éventuellement des pistes d’action à ceux qui nous suivent. Ils en feront ce qu’ils voudront…quand je rencontre des jeunes, je leur dis :  » Je ne viens pas vous donner de leçons, mais je viens vous transmettre une expérience, et vous en ferez ce que vous voudrez. Mais au moins, vous ne pourrez pas dire qu’on ne vous l’a pas dit ! »

Le défi de l’Espérance : le Seigneur le sait mieux que vous, que cela va mal!

Enfin, grâce à Marthe Robin, j’ai cessé d’être un imbécile triste, c’est-à-dire un pessimiste ; je ne suis pas pour autant devenu un imbécile gai, c’est-à-dire un optimiste ! J’ai essayé toute ma vie, après cette entrevue mémorable, de conjuguer, comme disait un italien, l’optimisme de la volonté avec le pessimisme de l’intelligence.
Et Marthe Robin m’a beaucoup aidé, parce que je lui ai dit que je me faisais un grave souci pour le monde dans lequel allaient vivre nos enfants, elle m’a répondu :  » Mais ce n’est rien à côté de ce que cela sera ! Vous n’imaginez pas jusqu’où on descendra !  » Elle ne m’a pas du tout dit :  » Mais non, ne vous en faites pas, ce n’est rien ! » Elle m’a au contraire conforté dans mon analyse et en même temps, elle m’a dit :  » De toutes les façons, le Seigneur le sait mieux que vous ! Il va s’en occuper. Vous verrez, le renouveau sera extraordinaire ! Alors, faites, là où vous êtes, ce que vous savez faire, pour « la bonne cause ». Cela m’a définitivement vacciné contre la désespérance. Et maintenant que je suis prêtre, je sais que cette vertu théologale d’espérance est la plus menacée chez les personnes qui ont gardé la foi, et vivent la charité avec beaucoup de courage en s’occupant des autres.

Je  » fais » la fête ?

Anthropologie du bonheur : ils font la fête parce qu'ils ne sont pas heureux....
Au fond, puisque cette jeune fille dont je vous parlais tout-à-l’heure n’avait pas de problèmes particuliers et avait même, aux dires de son père,  » tout ce qu’elle voulait », c’est donc sur ce mal-être qu’il faut se pencher, car c’est le contraire du bonheur. Le gros problème de notre époque, c’est le bonheur. Ce qui me frappe beaucoup, c’est qu’aujourd’hui tout le monde vous dit :  » Je fais la fête » ; or, quand on  » fait  » la fête, c’est que l’on n’est pas heureux, puisqu’on a besoin de  » faire ». Quand on est heureux, on n’a pas besoin de faire la fête ; on est heureux. Heu-reux !

Ils font la fête parce qu’ils ne sont pas heureux…

Anthropologie du bonheur : ils font la fête parce qu'ils ne sont pas heureux....
Un de mes premiers souvenirs de prêtre est la première messe que j’ai célébrée à la cathédrale du Puy. La ville organisait sa traditionnelle  » Fête de la Renaissance », appelée aussi fête du  » Roi et de l’Oiseau ». Dans la journée, c’est une fête que je vous recommande, mais le soir, la manifestation s’accompagne de beuveries, etc, que mon évêque n’apprécie nullement ! Il part alors en vacances ou en retraite, et le recteur de la cathédrale de l’époque en faisait autant, prenant un repos bien mérité après l’intense saison estivale. Et l’on se tourne naturellement vers moi, jeune prêtre, ( j’avais à peine deux mois de sacerdoce) pour me demander la messe de la fête du Roi et de l’Oiseau, le dimanche, à la cathédrale ! Et l’on m’avertit qu’en général, durant l’homélie, l’assistance relâche son attention et dort ! Cette information a eu sur moi un effet stimulant !
J’ai fait du sport toute ma vie, j’aime la compétition, je me suis dit :  » Il faut que je les réveille et que je leur parle d’une chose qui va les secouer : je vais leur dire qu’ils font la fête parce qu’ils ne sont pas heureux !  » Mais il fallait que je capte leur attention. Alors, j’ai utilisé une méthode particulière, qui ne peut fonctionner qu’une fois : j’ai commencé mon homélie mezzo vocce, avec un nombre de décibels tout-à-fait raisonnable, et puis au bout de 30 secondes, j’ai légèrement monté les décibels et j’ai commencé la phrase suivante :  » Quand ma femme attendait son premier enfant… » J’ai vu un frisson parcourir toute la cathédrale et les gens, qui ne savaient pas que j’avais été ordonné veuf, ne se sont plus endormis du tout. Ils se sont réveillés en se disant que l’Eglise avait changé, etc ! Le mardi, je suis allé vérifier le  » résultat » de mon homélie en allant me faire couper les cheveux, parce que les coiffeurs- comme les chauffeurs de taxis parisiens- sont les meilleurs sociologues ! De fait, mon coiffeur me dit :  » Toute la ville parle de votre homélie! » . Je pensais :  » C’était bien tout le but de la manoeuvre » !
Père Y. Bonnet
Panier
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