« Moi aussi, je suis inquiet pour ma sainteté « plaisantait Jean-Paul II
Y a-t-il une vocation universelle dont il faut parler aux enfants ? Voilà bien une question qui peut paraître absurde à des adultes réalistes, qui sont témoins de la diversité prodigieuse des personnes. Or c’est précisément cette diversité étonnante, que l’on retrouve dans la grande famille des saints du calendrier. L’Écriture sainte nous communique l’injonction du Seigneur: « Soyez saints, parce que, Moi, Dieu, Je suis saint. » La tradition a toujours commenté et repris cet impératif, que Jean-Paul II, le jour de son élection, a exprimé en ces termes : « N’ayez pas peur d’être des saints… ». Comme l’a dit le Christ à ses apôtres : « Certes, à l’homme c’est impossible, mais à Dieu rien d’impossible. » Le même Jean-Paul II, lors de ses problèmes de santé divers, s’entendit dire par un medecin : « Très saint Père, nous sommes inquiets pour votre Sainteté ». Il répondit finement : » Moi aussi, je suis inquiet pour ma sainteté ! » Sous le mode humoristique ressort le but fondamental de la vie chrétienne. Un projet de vie ne peut se bâtir qu’à partir de cet appel à la sainteté, reprit par le Concile Vatican II et par les messages des papes, notamment dans les messages pour les Journées Mondiales de prière pour les Vocations et pour les JMJ.
A portée de tous : l’appel universel à la sainteté.
Nous avons donc la réponse à la question : la sainteté n’est pas facultative (dans l’éternité, les sauvés seront tous saints), elle est à la portée de tous, par la grâce de Dieu. Mais, comme dit saint Thomas, la grâce ne fait pas l’économie de la nature : chaque personne a donc le devoir, pour jouir éternellement de l’amour divin, de prendre en main sa nature pour la configurer à la personne du Dieu fait homme, le Christ.
Voilà le défi universel, commun à tous les enfants du monde. Il faut donc en parler à nos enfants, en leur montrant qu’il est compatible avec leurs particularismes, leurs talents, leurs goûts, leur éducation (qui n’est évidemment pas parfaite), leur milieu, leur époque, leur histoire personnelle, bref tous leurs conditionnements.
Pensons aussi à l’aspect » vocationnel » d’un métier : médecin, artiste, bâtisseur, chef d’entreprise, agriculteur, chaque métier est l’occasion d’un idéal, d’une vie tournée vers le bon et le beau, vers le service, le bien commun. C’est aussi dans ce cadre que s’enracine l’appel de chacun à la sainteté, dans la vie quotidienne, le travail bien fait, les relations humaines : monde professionnel, vie familiale, et aussi vocations sacerdotales et consacrées.Benoît XVI le rappelle dans son message pour la Journée Mondiale des Vocations de mars 2006 :
Dans le Christ, Chef de l’Église, qui est son Corps, tous les chrétiens forment «la race choisie, le sacerdoce royal, la nation sainte, le peuple qui appartient à Dieu pour annoncer ses merveilles» (1 P 2, 9). L’Église est sainte, même si ses membres ont besoin d’être purifiés, pour que la sainteté, don de Dieu, puisse resplendir en eux jusqu’à son plein éclat. Le Concile Vatican II met en lumière l’appel universel à la sainteté, en affirmant que «les disciples du Christ, appelés par Dieu, non au titre de leurs œuvres mais au titre de son dessein et de sa grâce, justifiés en Jésus notre Seigneur, sont véritablement devenus, dans le baptême de la foi, fils de Dieu, participants de la nature divine et, par conséquent, réellement saints» (Lumen gentium, n. 40).
La sainteté, un projet qui commence avec la vie!
Les adultes savent que ce n’est pas si facile d’être saints, mais les enfants ont une orientation du coeur qui dépasse les défauts, les mesquineries…
Au-dessus de tous les conditionnements, chaque enfant a un équipement propre aux humains, le libre arbitre, avec une intelligence pour discerner le chemin de la sainteté et une volonté pour s’y engager, s’y maintenir et… le reprendre courageusement après chaque écart. Cet équipement, que j’aime à appeler notre « poste de pilotage », se détériore quand nous en faisons mauvais usage. Particulièrement quand nous nous conditionnons nous-mêmes à l’esclavage des « addictions modernes», l’image et le son en permanence, les biens matériels, les modes, le sexe, la drogue, la dépendance des gourous et de tous ceux qui exploitent à merveille, à grand coût, la fragilité et la naïveté de nos contemporains. En voyant les comportements de certains, je pense souvent en moi-même : « Y a-t-il un pilote dans l’avion ? ».
Il faut le faire savoir aux enfants : la vocation universelle à la sainteté englobe toutes les vocations particulières, leur donne un sens commun, rapproche les personnes les unes des autres, et leur permet d’échanger fructueusement sur les moyens pour y parvenir. C’est bien une perspective attirante et réjouissante. Des enfants ont été canonisés, qui donnent cet élan vers une vie pleinement épanouie humainement et spirituellement : pensons à Saint Dominique Savio, aux petits bergers de Fatima, à sainte Maria Gorretti, mais aussi à la sainte de la vocation universelle à la sainteté, qu’elle appellait » la petite voie » : Thérèse de Lisieux. De quoi donner un sens à la vie!
Père Yannik Bonnet.