Délicat sujet : faut-il concilier ou séparer le « spi » et le » psy »?
Deux constatations de base :
1) Dans notre être ( anthropologie), le spirituel, le psychologique, toutes nos facultés, fonctionnent ensemble : on ne peut découper l’être humain en tranches spécialisées. L’être humain est un tout indivisible.
2) Lorsqu’on parle de conciliation ou de séparation du spirituel et du psychologique, on utilise un raccourci dans le langage : il manque un mot : replaçons-le :
Concilier ou séparer l’accompagnement spirituel et l’accompagnement psychologique?
Il semblerait que le débat vienne de différentes écoles d’accompagnement et de la « montée en puissance » des découvertes en sciences humaines. L’accompagnement psychologique vient comme s’ajouter à l’accompagnement spirituel, prenant une place importante.
Troisième constatation : nos contemporains ont BESOIN d’être accompagnés et s’adressent à ceux qui leur proposent cette possibilité.
Une importance grandissante d’une réponse spécifique de l’Eglise : la séparation des fors interne et externe.
Dans le contexte d’une époque prête à suivre des gourous, l’Eglise dispose d’un trésor : la séparation des fors. Ainsi, elle a toujours proposé la séparation de l’accompagnement spirituel et de la confession, afin d’éviter une main mise sur l’accompagné et afin de préserver sa liberté. Cette séparation des fors demande à être appliquée en séparant le for interne spirituel du for interne psychologique, c’est-à-dire en veillant à avoir deux accompagnements disctincts sur ces deux parties de notre vie privée.
Une autre manière d’aborder le problème du spirituel et du psychologique : à l’accompagné de faire la synthèse.
L’Eglise possède donc une tradition de » non mélange des genres » et de » non mélange des types d’accompagnements ». Considérons la demande, le besoin et la prudence nécéssaire du côté de l’accompagné.
1) Il est un être indivisible.
2) Il a besoin d’accompagnement dans différents domaines : confession, accompagnement spirituel, accompagnement psychologique.
3) Il ne veut pas mélanger les fors, c’est-à-dire tomber entre les mains d’un gourou personnel qui l’accompagnerait dans tous les domaines avec liberté de le manipuler en tout.
4) Il va donc s’adresser à des personnes disctinctes, selon leur compétence et son besoin. Cette séparation des fors lui permettra de conserver sa liberté.
5) C’est à lui de faire librement EN CONSCIENCE la synthèse dans sa vie privée ( et publique) de ce que lui apportent les accompagnements respectifs.
Les risques inhérents à la confusion du spirituel et du psychologique.
« Les dynamiques humaines et spirituelles s’entrelacent de manière admirable et exigeante dans la vocation. Conscient de cela, le candidat ne peut que tirer avantage d’un discernement attentif et responsable. Celui-ci cherchera à personnaliser le chemin de formation et à dépasser peu à peu les éventuelles carences spirituelles et humaines. C’est un devoir de l’Église de fournir aux candidats une intégration efficace de la dimension humaine à la lumière de la dimension spirituelle où elles s’ouvrent et se complètent [13]. »( Orientations pour l’utilisation de la psychologie dans l’admission et la formation des candidats au sacerdoce.)
L’accompagnement psychologique est tourné vers la guérison, la thérapie. L’accompagnement spirituel est tourné vers…l’union à Dieu. Il est donc indispensable que l’accompagné ait une idée précise de la différence et de la complémentarité. Le texte cité ci-dessus, qui établit le protocole de suivi psychologique pour le discernement des vocations sacerdotales est une référence en la matière pour comprendre et respecter cette articulation des deux domaines.
Si l’accompagnement dans chaque domaine précise une chartre dès le début, et si l’accompagné peut définir ce qu’il attend, il n’y aura pas de déception, de » désillusion », et on évitera le risque de » décompensation psychologique » se produisant en dehors d’un accompagnement psychologique adapté à la personne, par exemple au cours d’un entretien spirituel s’immiscant dans l’histoire des traumatismes de la personne.
De quel » décompensation » s’agit-il, au fait?
Décompensation Dans le cadre d’un processus psychologique, la décompensation est une réaction à une situation émotionnelle extrême. Le plus souvent, il s’agit de la mise à jour trop brutale ou forcée et donc la confrontation sans préparation, de certains éléments psychiques personnels lourds, qui provoque un effondrement général de la personnalité de l’individu. Parallèlement, cet effondrement entraîne des conséquences pouvant aller de la dépression jusqu’au suicide ou à l’agression de tiers (passage à l’acte : voir lexique cigap.org). Une décompensation peut aussi mettre en lumière une pathologie psychiatrique jusque là latente. Lorsque l’on parle de situation émotionnelle extrême, elle l’est dans le vécu de la personne concernée, c’est à dire d’une manière spécifique et personnelle. Il peut être question, par exemple, de la découverte par le « sujet », d’un secret de famille, mais aussi d’une émotion restée jusque là « sourde » à lui, comme la haine, l’amour, la jalousie, la rancoeur, la frustration… envers une autre personne. Conséquence d’entretiens avec un pseudo-psychothérapeute On notera aussi que, lorsqu’une pseudo psychothérapie est menée par une personne non formée sérieusement en psycho-pathologie et en psychologie clinique ce phénomène peut aussi se produire fréquemment. (Les seuls professionnels en France actuellement sont les psychologues cliniciens pathologues en titre et formés en complément en psychothérapie). En effet, un pseudo-psychothérapeute ou « coach », ou « psy-praticien » ou « psy-chose » qui impose sa propre analyse de la situation au patient, ne prend pas en compte la maturité et l’évolution psychique de celui-ci. Cette manipulation du « client » existe dans de nombreuses méthodes dites thérapeutiques qui ne font, en fait, que « déplacer » le symptôme. L’effet thérapeutique n’est alors qu’illusoire ou très ponctuel. Ces psycho-thérapeutes charlatans satisfont ainsi plus leur désir de s’enrichir et de jouir grâce à leur pseudo pouvoir que de soigner l’être en souffrance. Ces pratiques peuvent « chroniciser » le mal être du client, voire provoquer un traumatisme important chez le sujet déjà bien fragilisé et ainsi le laisser sans aucune défense psychologique. Dans ce cas là , il n’a pas eu (ou on ne lui a pas laissé) le temps qui lui était personnellement nécessaire, pour élaborer, à son propre rythme, ce nouveau savoir qu’il a de lui et gérer le conflit psychique ainsi créé.
La mise en garde contre le risque de décompensation psychologique concerne…le domaine psychologique. Il est pourtant nécessaire qu’un accompagnateur spirituel soit formé aussi un minimum en psychologie pour évaluer les fragilités de l’accompagné et renvoyer au professionnel formé pour cela, car la décompensation psychologique peut se produire au cours d’une retraite spirituelle. Si l’accompagnateur spirituel ne mélange pas les domaines, il se gardera de toucher à l’équilibre psychologique et aura la prudence nécessaire. D’où la nécessité de formation adéquate solidement appuyée sur le principe de non-mélange des fors. Ce principe demande effectivement que l’accompagnateur et l’accompagné soient très au clair sur le type d’accompagnement demandé.
La nécessité de la formation adéquate.
Les accompagnateurs spirituels et les accompagnateurs psychologiques savent bien la nécessité d’une formation de qualité. L’amateurisme de départ que l’on peut constater dans certaines initiatives ou le manque de formation se transforment en augmentant le niveau et l’exigence de formation. Les chrétiens auront donc tout avantage à se former professionnellement et à disposer de diplômes tout en oeuvrant dans des structures chrétiennes d’accompagnements diversifiés.
L’Eglise est vigilante, elle discerne sans pour autant condamner ou jeter le bébé avec l’eau du bain, en particulier dans les associations qui se réclament d’elle et doivent donc tenir en toute obéissance compte des remarques et améliorations demandées. Il importe donc de vérifier l’obéissance et la relation réelle avec l’Eglise et l’évêque du lieu quand on fait une retraite ou session.
Perspectives nouvelles engendrées par les besoins contemporains.
C’est à vous, ma Mère chérie, à vous qui êtes deux fois ma Mère, que je viens confier l’histoire de mon âme… Le jour où vous m’avez demandé de le faire, il me semblait que cela dissiperait mon coeur en l’occupant de lui-même, mais depuis Jésus m’a fait sentir qu’en obéissant simplement je lui serais agréable ; d’ailleurs je ne vais faire qu’une seule chose : Commencer à chanter ce que je dois redire éternellement : “ Les Miséricordes du Seigneur… ” (NHA 101) (Ps 89,2) Avant de prendre la plume, je me suis agenouillée devant la statue de Marie (NHA 102) (celle qui nous a donné tant de preuves des maternelles préférences de la Reine du Ciel pour notre famille,) je l’ai suppliée de guider ma main afin que je ne trace pas une seule ligne qui ne lui soit agréable. Ensuite ouvrant le Saint Évangile, mes yeux sont tombés sur ces mots : “ Jésus étant monté sur une montagne, il appela à Lui ceux qu’il lui plut ; et ils vinrent à Lui. ” (Saint Marc, chap. III, v. 13). (Mc 3,13) Voilà bien le mystère de ma vocation, de ma vie tout entière et surtout le mystère des privilèges de Jésus sur mon âme… ( premières lignes des Manuscrits de Thérèse)
Il peut exister des lieux chrétiens de » relecture de vie » selon l’esprit d’une Thérèse de Lisieux, dont les oeuvres auto-biographiques veulent » dire les merveilles de Dieu dans sa vie », il s’agit d’un type de relecture de vie tout à fait particulier, basé sur une anthropologie chrétienne et appelé à se développer, et à co-exister avec les recherches contemporaines de sens à la vie; la perspective est différente de la recherche des blessures et de la guérison, il s’agit avant tout d’une perspective de découverte de la présence de Dieu dans tous les événements de la vie et d’une perspective de conversion, la présence de Dieu donnant sens à notre vie, quelles qu’en soient les tribulations.
Si les chrétiens se retirent de cette recherche contemporaine du sens de la vie et ne proposent rien, une part de la nouvelle Evangélisation s’en trouvera certainement amoindrie et retardée. Il semble donc important que des psychologues chrétiens bien formés à leur métier soient présents dans ce milieu professionnel.
Il nous semble aussi que le respect du non mélange des for interne spirituel et psychologique évite la main mise sur l’accompagné, et qu’une bonne formation qui différencie et articule les deux domaines et repose sur l’anthropologie chrétienne,( la conversion fondée sur la vision chrétienne de l’être humain), permet une évangélisation de l’être humain dans toutes ses dimensions.
On est bien là dans la nouvelle évangélisation, que l’on peut situer aussi dans le discours des papes sur le » développement humain intégral », lequel concerne tous les aspects de notre vie. Cependant, la partie psychologique de l’accompagnement doit impérativement se faire dans un cadre professionnel, la partie spirituelle dans un cadre et avec une » homologation » ecclésiale ( formation à l’accompagnement spirituel reconnue et validée par diocèse, une structure reconnue par l’Eglise.) : à chacun sa compétence, sans mélange. Le mélange psycho-spirituel en temps et en lieu mélangeant les compétences, il risque d’induire des erreurs de discernement, le spirituel étant plaqué sur le psychologique et le psychologique sur le spirituel, entraînant confusion et doute à la longue. Voilà pourquoi l’ Eglise continue de prôner la séparation des domaines et de laisser toute liberté à ses fidèles de faire eux-mêmes la synthèse nécessaire dans leur vie. On est à l’antithèse des gourous qui accompagnent sur tous les plans, font les choix pour leurs » accompagnés », les guident jusqu’à choisir les conjoints, etc, etc. Mieux vaut la séparation des fors !