La réponse est simple, c’est : non ! Au moment où j’écris cette chronique, cela fait deux jours seulement que nous avons fêté les trois archanges, Michel , Gabriel et Raphaël. Mais cela fait deux ans qu’avec mes confrères de Carnac nous avons remis en honneur la prière à Saint Michel composée par Léon XIII, après qu’il ait reçu du Ciel le message que Lucifer serait déchaîné un siècle au sein même de l’Eglise. Pendant toute mon enfance, après chaque Messe, on priait trois » Ave « , puis le » Salve Regina « , suivi de deux oraisons; la première implorait Dieu pour la conversion des pécheurs, pour la liberté et le triomphe de l’Eglise, la seconde, adressée à Saint Michel lui demandait de nous aider dans le combat.Et ce combat visait le démon, sa perfidie, ses embûches. Elle se poursuivait en demandant à Dieu d’exercer sa puissance sur lui et se terminait par une demande à Saint Michel, » prince de la milice céleste « , celle de repousser en Enfer Satan et les autres esprits mauvais qui rôdent dans le monde pour la perte des âmes !
Ces prières , dites » au bas de l’autel » , avaient été prescrites par le Saint Père. Soixante ans plus tard on les priait toujours et on en était au quatrième Pape après Léon XIII. En revanche , quand je suis arrivé dans mon diocèse, cinquante ans plus tard, j’ai été interppelé à plusieurs reprises par des confrères qui s’étonnaient ironiquement que je crois à l’existence des anges et à fortiori du diable. En outre, l’idée même que prêtres et fidèles nous puissions avoir le devoir de livrer un combat, était impensable dans l’ambiance affective et invertébrée qui régnait alors.
Certaines réactions ecclésiastiques, voire épiscopales, à l’égard de la » Manif « , montrent bien que la Béatitude des artisans de paix est toujours interprétée par les clercs susnommés dans le sens du pacifisme défaitiste et non d’une action courageuse de combat pour la paix. Et pourtant, me semble-t-il, on m’a appris que Saint Michel était le fidèle lieutenant de la Vierge Marie, laquelle remplit fidèlement la mission d’écraser la tête de Lucifer. Et qui pourrait contester que la Vierge Marie est, pour les enfants que son Fils lui a donnés sur la Croix, toute douceur, humilité, miséricorde.
On mesure bien ainsi à quel point la dialectique marxiste a contaminé les intelligences, il est devenu impossible à beaucoup de nos contemporains de penser que l’on puisse allier la force et la tendresse, la combativité et la miséricorde, la rectitude de la pensée et la pratique du dialogue.
Il ne faut donc pas s’étonner des difficultés que pose dans un tel contexte la nécessité de maintenir la Vérité doctrinale, tout en recherchant les voies pastorales, qui puissent permettre de faire cheminer les pécheurs vers cette Vérité sans les blesser ni les juger. Pendant ses trois années d’évangélisation, le Christ nous a montré que cela était possible et les exemples ne manquent pas, son dialogue avec la Samaritaine, son attitude avec Zachée, sa défense de Marie-Madeleine face au pharisien Simon, sans oublier le » sauvetage » de la femme adultère, assorti de l’injonction » Va et ne pèche plus « .
Mais dans le même temps, avant d’entrer librement dans sa passion, le Christ n’a pas cessé de combattre avec énergie les mauvais bergers. C’est ce qu’Il attend de nous et sa Grâce ne nous fera pas défaut.
Père Y. Bonnet