D’abord être des Christi Fideles
« Regarder le Peuple de Dieu, c’est rappeler que nous sommes tous entrés dans l’Église en tant que laïcs. Le premier sacrement, qui a scellé à jamais notre identité et dont nous devrions être fiers à jamais, est le baptême. » Pape François, lettre au cardinal Ouellet 19 mars 2016
Le pape François s’élève de la façon la plus juste contre le cléricalisme, lequel entraîne un » laïcisme » de réaction. Chacun part en vrille sur le modèle d’une hypothétique supériorité, habillée de mots et de pratiques problématiques…
Agir sans l’autre?
Ce n’est pas une rupture ( tout le monde voudrait inventer des ruptures, en ce moment!), mais la preuve d’une liberté d’action qui vient justement d’une juste conception du rapport Prêtres/Laïcs. Tous étant des Fidèles consacrés au Christ en vertu de leur baptême ( Lumen Gentium 31et 32), l’évangélisation est le but commun mais avec des modalités différentes, dans un rapport de service mutuel.
Les uns aux service des autres, et pas les laïcs au service des prêtres ou les prêtres au service des laïcs.
« Sans le savoir, nous avons généré une élite de laïcs, considérant qu’ils doivent se cantonner à servir les « prêtres » » Pape François, lettre au Cardinal Ouellet
» Les fidèles laïcs font partie du peuple saint de Dieu et par conséquent sont les protagonistes de l’Église et du monde, que nous sommes appelés à servir et non à être servis par eux. » idem
Le pape François rappelle dans sa lettre au cardinal Ouellet que c’est l’inverse qui doit se produire en terme de service : les prêtres sont au service de l’évangélisation des laïcs, de l’apostolat des laïcs, par leur sacerdoce ( = service!). Il s’agit d’inverser un mouvement centrifuge, centré sur le prêtre, devenu…le centre de tout, avec le concours malheureux des laïcs. Peut-être est-ce véritablement ce mouvement retrouvé vers les périphéries qu’impulse le pape François qui rend le prêtre heureux dans sa vocation! Sa place reste néanmoins moins centrale et instituée par le Christ, mais comme un coeur qui envoie le sang circuler!
Paternité décentrée : vers un apostolat des laïcs nourri par les sacrements, en pleine liberté et communion.
Laïcs nourris des sacrements, soutenus, libres de lancer des initiatives d’apostolat et de les diriger eux-mêmes!
Comment alors éviter un déséquilibre prêtres/laïcs, ou des conflits de direction dans tous les sens du terme : conflits dus à l’étouffement des initiatives et libertés des laïcs, conflits dus à l’omniprésence du prêtre au for externe et au for interne dans la liberté des laïcs, conflits larvés de laïcs prenant sur le même modèle d’omniprésence une autorité de type sacerdotale copiée et usurpée?
Agir ensemble, ne pas confondre agir et…prendre le contrôle!
Lorsque l’action est confondue avec la prise de contrôle…La juste relation laïcs/prêtres, c’est toute la différence entre prendre le contrôle ( souvent en cumulant le contrôle du for externe et du for interne, en prenant le contrôle!), et agir en communion. Quand on agit en communion, on ne peut rien faire l’un sans l’autre, mais on ne fait pas la même chose en même temps pour atteindre le le but fixé, on accomplit sa part, pas celle de l’autre! Et on ne contrôle pas l’action de l’autre comme un double de soi-même…bref, on ne peut rien faire sans l’autre LIBRE!
» Et ce discernement nous devons le faire ensemble avec notre peuple et jamais pour lui ou sans lui. »Pape François, lettre au Cardinal Ouellet
Ne rien faire sans l’autre : exemple d’interprétation erronée de la communion laïc/prêtre
Structuration concrète de l’action.
Par exemple, dans les réalités ecclésiales issues de Vatican II qui ont un bon rapport laïcs/prêtres, les responsabilités des laïcs dans le domaine temporel ne sont pas » supervisées » ou » contrôlées » par des prêtres en ce qui concerne la compétence propre des laïcs à gérer le temporel ! Si un prêtre est présent dans un conseil d’administration, ce qui peut être légitime, ce n’est pas une obligation…les laïcs sont aptes à imprégner le temporel de l’esprit de l’Evangile sans être contrôlés comme des enfants!
« Le cléricalisme conduit à la fonctionnarisation des laïcs, les reléguant au rang de « garçons de course », bloquant ainsi les initiatives diverses, les efforts et l’audace, si je puis dire, nécessaires pour apporter la Bonne Nouvelle de l’Évangile dans tous les domaines de la vie sociale et surtout politique. » Pape François, lettre au Cardinal Ouellet.
Donc, certaines réalités d’apostolat peuvent être légitimement sans présence cléricale, ou avec cette présence, selon le charisme reçu.
Mais dans les cas précis de présence du prêtre dans l’administratif requiert une prudence majeure et canonique : l’interdiction pour lui d’agir au niveau du for interne sur les personnes concernées directement par le conseil administratif. Que de conflits lorsque le prêtre confesse ou accompagne spirituellement des membres d’un conseil d’administration, en désobéissance ou ignorance du droit canon ! Il reprend alors un contrôle ambigu, risqué, dangereux, sur les consciences des personnes et s’expose à des conflits redoutables d’influence, et dans tous les cas de figure, au soupçon de manipulation des conscience. Sa simple présence peut fausser l’image sacerdotale s’il n’est pas précisé clairement dans le règlement du conseil administratif que le prêtre n’a aucune responsabilité d’accompagnement individuel au for interne ( confession, direction spirituelle, accompagnement spirituel) sur les membres du conseil d’administration, ni sur les administrés! En général, les conseils administratifs rendent compte de leur gestion au conseil gouvernemental, donc à l’échelon au dessus.
Etre dans un conseil gouvernemental et être dépositaire d’un charisme ecclésial.
Mais le respect de la séparation for interne, for externe reste tout aussi primordial. Le prêtre présent dans une instance de gouvernement doit préserver un charisme de communion en lien avec des laïcs, encourager la communion et le respect des prérogatives des laïcs tandis que les laïcs doivent encourager et préserver l’accès au charisme sacerdotal. Pour cela, le prêtre comme le laïc, présent dans une instance de gouvernement ne doit en rien risquer d’être dans la position du gourou qui » gouverne par accompagnement personnel interposé ». Voici sous la plume du Pape François une description de ce que peut être le rôle du prêtre de façon authentique dans une instance de co-gouvernement avec des laïcs :
» Il n’est point le berger qui dicte aux fidèles ce qu’il faut faire ou dire ; ils le savent aussi bien sinon mieux que nous. Ce n’est point le berger qui doit déterminer ce que les fidèles doivent dire dans telle ou telle situation. En tant que pasteurs, en communion avec nos fidèles, nous ferions mieux de nous demander que faire pour encourager et promouvoir la charité et la fraternité, le désir du bien, de vérité et de justice ; comment faire pour que la corruption ne s’installe pas dans nos cœurs ? » Pape François, lettre au Cardinal Ouellet.
D’autres doivent assurer, dans le respect du charisme de la réalité ecclésiale concernée, la confession et l’accompagnement spirituel. Ce peut être une branche sacerdotale du mouvement, de la communauté, de la société, etc…avec son propre fonctionnement, dans lequel n’interviennent pas les laïcs….Car les laïcs aussi peuvent jouer les gourous….A chacun son rôle bien défini ! Quand on évite de mélanger for interne et for externe ( les laïcs peuvent le faire en usant par exemple du for interne psychologique), on reste libre d’incarner et de préserver un charisme ecclésial authentique.
Cette distinction for interne/for externe, sa juste coordination canonique, mène au respect de la conscience de chacun, libérant le prêtre d’un rôle qui n’est pas le sien, protégeant le laïc, affermissant la communion ecclésiale des Christi Fideles entre eux…il s’agit d’un champ à explorer qui pourrait apporter paix et équilibre dans le rapport prêtres/laïcs tel que Vatican II l’a souhaité.