Je suis catholique, puis-je aller voir un psy ?

Je suis catholique, je ne confonds pas le psy et le spi

L’âme sensible, interface entre corps et esprit

Pour répondre à cette question, il faut d’abord rappeler la complexité de l’être humain, union d’un esprit fait à l’image de Dieu et d’un corps pourvu de « capteurs » d’information, sur tout ce qui l’environne. Cette union fait que notre esprit – doué de libre arbitre pour nous permettre d’agir par et pour l’amour – communique avec ce corps par une sorte d’interface, l’âme sensible, qui exprime les réactions biologiques en émotions, pulsions, ressentis et les transforme (voir les pérennise) en sentiments plus durables.

Depuis le péché originel, cette « chaîne » – esprit, doué d’intelligence et de volonté, pourvu de mémoire et d’imagination, – âme sensible, siège de l’affectivité, et – corps biologique, siège de réactions physico-biochimiques, cette « chaîne » donc, n’est plus harmonieusement cohérente.

L’intelligence ne discerne pas toujours le bien, la volonté ne s’oblige pas toujours au bien, la sensibilité s’exacerbe, l’affectivité n’est plus ordonnée, le corps n’est pas bien traité ou devient un tyran anarchique. Prise entre l’esprit et le corps, l’âme sensible fait très souvent les frais de nos désordres mais aussi des désordres de notre entourage, de la société dans laquelle nous vivons, des blessures psychologiques reçues au cours de notre histoire personnelle.

N’oublions pas le grand méconnu des sacrements, le sacrement de réconciliation

Le recours au « psy » est devenu un véritable phénomène de société, qui fait oublier à beaucoup qu’il faut prendre soin de son corps (hygiène de vie, maîtrise des pulsions) et de son esprit fait à l’image de Dieu (prière, usage sans modération des sacrements et notamment du grand méconnu, celui de la réconciliation avec le Créateur…et avec soi même !). Faut-il négliger le psy pour autant ? non bien sûr, mais, à certaines conditions.

Bien choisir le  » psy » !

La première a déjà été énoncée : c’est de ne pas s’imaginer que le psy guérira le corps et l’esprit, l’âme sensible et l’âme spirituelle pour ce qui est de leurs maux spécifiques. La seconde est donc une évidence pour les catholiques : c’est qu’il faut bien choisir le psy ! il y a psychanalyse et psychanalyse, psychologue et psychologue, psy et psy! Il y a des théories psychanalytiques matérialistes, qui nient implicitement ou explicitement la nature spirituelle de la personne, faite à l’image de Dieu. Par là même, elles nient implicitement ou explicitement le caractère objectif du Bien et du Mal. De ce fait, sous couvert de diminuer le sentiment de culpabilité qui peut être oppressant, elles anéantissent le sens de la culpabilité, visent à étouffer toute conscience morale en effaçant le rôle de la raison et de la volonté, remplacées par la blessure et la thérapie. Nées dans le Nouvel-âge, dans l’ésotérisme et la gnose, certaines écoles pseudo-psychologiques et certaines thérapies  » alléchantes », affublées parfois d’habits chrétiens, méritent vérification et prudence.

Ils peuvent aider notre « âme sensible qui a des bleus »

Et puis, il y a des psychanalystes et des psychologues qui, par aveuglement ou par intérêt, font croire au patient qu’il faut inlassablement rechercher les causes de nos blessures pour espérer les guérir. Qu’ils puissent aider à découvrir ces blessures, en parler, à retrouver effectivement leur origine dans notre histoire personnelle, est bien réel : notre âme sensible a des « bleus », comme disait joliment Françoise Sagan, et il est souhaitable de ne pas appuyer dessus ou de s’en refaire un lot par ignorance. Mais la guérison spirituelle est encore plus importante, Dieu seul peut l’opérer et l’analyse  » psy », mal utilisée, ou dévoyée, peut nous en détourner. De plus, cette guérison spirituelle concernant l’âme spirituelle, et non pas l’âme sensible, il n’est pas nécessaire de passer par une guérison psychologique pour devenir saint. ( Même si on souhaite diminuer légitimement la souffrance psychique, tout comme on souhaite diminuer une souffrance physique. Le rôle du médecin, et celui du psy relèvent des sciences humaines, et ne concernent pas le spirituel. On ne canonise pas les saints pour la perfection de leur santé physique ou psychologique mais pour l’héroïcité de leur vertus et leur charité.)

Hygiène de l’âme : amitié, échange, écoute, beauté…

En conclusion, il faut bien dire que le besoin d’un psychanalyste n’est pas universel et qu’il dépend beaucoup de la situation particulière et de l’histoire de chacun. La grâce, nous dit Saint Thomas d’Aquin, ne fait pas l’économie de la nature et, dans la nature humaine, il y a le corps et l’âme sensible. De même que l’hygiène de vie est une nécessité, que nous rappelle parfois brutalement un accident de santé, un coup de surmenage, voire un accident tout court, chute, collision, etc. liés à une baisse de concentration, l’hygiène de l’âme sensible est également une nécessité. Cette hygiène de cette âme sensible passe par le soin de notre vie affective, et notamment de l’amitié, des échanges, de l’écoute réciproque, de l’émerveillement devant la beauté. Enfin, il y a en quelque sorte une hygiène des facultés qui conditionne le bon usage de notre libre arbitre, formation de l’intelligence à la recherche du vrai, éducation de la volonté par l’effort, travail de la mémoire et maîtrise de l’imaginaire. Bref, l’éducation « tous azimut » peut aider à ne pas abuser du « psy » sous toutes ses formes.

Cela dit, en conclusion de la conclusion, l’âme spirituelle ne se porte mieux que par les sacrements et la prière. Comme le dit Benoît XVI dans Caritas in Veritate au N° 76, il ne faut pas confondre la santé psychique et la santé spirituelle.  ( voir ci-dessous) Quand on aurait  atteint le plus grand bien-être psychique associé à la psychologie la plus séduisante, on n’en serait pas moins un pécheur ayant besoin d’être sauvé.
Père Y. Bonnet
76. Un des aspects de l’esprit techniciste moderne se vérifie dans la tendance à ne considérer les problèmes et les mouvements liés à la vie intérieure que d’un point de vue psychologique, et cela jusqu’au réductionnisme neurologique. L’homme est ainsi privé de son intériorité, et l’on assiste à une perte progressive de la conscience de la consistance ontologique de l’âme humaine, avec les profondeurs que les Saints ont su sonder. Le problème du développement est strictement lié aussi à notre conception de l’âme humaine, dès lors que notre moi est souvent réduit à la psyché et que la santé de l’âme se confond avec le bien-être émotionnel. Ces réductions se fondent sur une profonde incompréhension de la vie spirituelle et elles conduisent à méconnaître que le développement de l’homme et des peuples dépend en fait aussi de la résolution de problèmes de nature spirituelle. Le développement doit comprendre une croissance spirituelle, et pas seulement matérielle, parce que la personne humaine est une « unité d’âme et de corps » [156], née de l’amour créateur de Dieu et destinée à vivre éternellement. L’être humain se développe quand il grandit dans l’esprit, quand son âme se connaît elle-même et connaît les vérités que Dieu y a imprimées en germe, quand il dialogue avec lui-même et avec son Créateur. Loin de Dieu, l’homme est inquiet et fragile. L’aliénation sociale et psychologique, avec toutes les névroses qui caractérisent les sociétés opulentes, s’explique aussi par des causes d’ordre spirituel. Une société du bien-être, matériellement développée, mais oppressive pour l’âme, n’est pas de soi orientée vers un développement authentique. Les nouvelles formes d’esclavage de la drogue et le désespoir dans lequel tombent de nombreuses personnes ont une explication non seulement sociologique et psychologique, mais essentiellement spirituelle. Le vide auquel l’âme se sent livrée, malgré de nombreuses thérapies pour le corps et pour la psyché, produit une souffrance. Il n’y pas de développement plénier et de bien commun universel sans bien spirituel et moral des personnes, considérées dans l’intégrité de leur âme et de leur corps. Benoît XVI, Caritas in Veritate, 76. 
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