Des guérisons psychologiques peuvent-elles se produire dans un cadre religieux ? Pour comprendre, il est nécessaire de revenir au sens de la parabole des talents.
Pourquoi pas?
Cela dit, voir un psy n’est pas interdit, et faire une retraite non plus. Il est mieux de ne pas les superposer.
Comment se fait-il alors que des guérisons psychologiques interviennent au cours de moments spécifiquement spirituels ? Messe, offices, sacrements…
Dieu est libre de ses grâces
Dans la parabole des talents, on oublie que ce qu’il fallait faire fructifier, ce sont les talents du maître. Pas les siens propres. Le texte le redit bien : ce serviteur avait enfoui les talents de son Maître. Ainsi, la prière, la charité, l’annonce de la Parole sont les talents qu’il nous est demandé de développer. Si le Seigneur passe par là pour guérir, ce n’est pas notre oeuvre ou notre action, mais la sienne, ce sont Ses talents qui fructifient. Le mauvais serviteur enfouit les talents de son maître de diverses manières : il se les attribue, s’en attribue le mérite, la science, la technique… Qui plus est, les talents dont parlent la parabole ne sont pas en premier lieu les talents naturels, confère ci-dessous le texte de Benoît XVI sur le sujet !
Or, ce que font les gourous, les charlatans, les guérisseurs en tout genre est une forme d’enfouissement des talents du maître : ils s’attribuent les talents du maître en disant qu’il s’agit pour une part de l’action de Dieu, mais… grâce à eux. Le glissement s’opère dans le fait que les talents deviennent le fruit de leur capacité humaine..que Dieu semble ratifier par des guérisons.
La réalité est tout autre : Dieu guérit et le gourou prétend y avoir été pour un peu, ou beaucoup, selon son degré d’usurpation alors que la grâce est passé par les gestes du Christ, par les sacrements, par la foi simple. N’oublions pas, nous sommes tous un peu gourous du style » Ecoute, Seigneur, ton serviteur parle », plutôt que » Parle, Seigneur, ton serviteur écoute. » Assez vite, nous allons enseigner à Dieu comment manier les sciences humaines et comment améliorer son score de guérison grâce à nos connaissances…Quant au salut, c’est notre affaire, bien sûr, Dieu n’ayant pas nos diplômes ni nos connaissances….Combien de thérapies chrétiennes essaient ainsi d’assimiler les sciences humaines sans en respecter la légitime autonomie et sans en voir les limites !
Qui est comme Dieu ?
Les guérisons données par Dieu doivent revenir à Dieu…elles sont gratuites et l’homme n’y est pour rien. C’est pure miséricorde. Un surcroît. Les gourous s’attribuent ce surcroît comme s’ils en étaient les maîtres par leurs techniques et leurs pseudo-sciences. Les médecins honnêtes, eux, constatent que Dieu a peut-être agi là où eux ne pouvaient le faire, ou bien là où eux ne sont pas intervenus. Cela n’enlève rien au médecin qui guérit efficacement dans les limites de sa science humaine. Mais cela permet de démasquer le faux guérisseur : il vient se superposer à la grâce et prétendre qu’il y a eu part, pour s’en attribuer la gloire entière ou en partie, alors qu’en réalité, il n’a fait que s’indroduire comme un parasite. Les pères de l’Eglise disaient que le diable singe Dieu. La Bible nous signale la chute et la raison de la chute du prototype de cette attitude : Lucifer se heurte à St Michel, » Qui est comme Dieu? », qui peut se prétendre Dieu ? La recherche prométhéenne de la guérison cherche à s’attribuer la puissance de Dieu et se retrouve toujours face aux limites humaines et au péché.
Le sens de la Croix Glorieuse
« 76. Un des aspects de l’esprit techniciste moderne se vérifie dans la tendance à ne considérer les problèmes et les mouvements liés à la vie intérieure que d’un point de vue psychologique, et cela jusqu’au réductionnisme neurologique. L’homme est ainsi privé de son intériorité, et l’on assiste à une perte progressive de la conscience de la consistance ontologique de l’âme humaine, avec les profondeurs que les Saints ont su sonder. Le problème du développement est strictement lié aussi à notre conception de l’âme humaine, dès lors que notre moi est souvent réduit à la psyché et que la santé de l’âme se confond avec le bien-être émotionnel. Ces réductions se fondent sur une profonde incompréhension de la vie spirituelle et elles conduisent à méconnaître que le développement de l’homme et des peuples dépend en fait aussi de la résolution de problèmes de nature spirituelle. Le développement doit comprendre une croissance spirituelle, et pas seulement matérielle, parce que la personne humaine est une « unité d’âme et de corps » [156], née de l’amour créateur de Dieu et destinée à vivre éternellement. L’être humain se développe quand il grandit dans l’esprit, quand son âme se connaît elle-même et connaît les vérités que Dieu y a imprimées en germe, quand il dialogue avec lui-même et avec son Créateur. Loin de Dieu, l’homme est inquiet et fragile. L’aliénation sociale et psychologique, avec toutes les névroses qui caractérisent les sociétés opulentes, s’explique aussi par des causes d’ordre spirituel. Une société du bien-être, matériellement développée, mais oppressive pour l’âme, n’est pas de soi orientée vers un développement authentique. Les nouvelles formes d’esclavage de la drogue et le désespoir dans lequel tombent de nombreuses personnes ont une explication non seulement sociologique et psychologique, mais essentiellement spirituelle. Le vide auquel l’âme se sent livrée, malgré de nombreuses thérapies pour le corps et pour la psyché, produit une souffrance. Il n’y pas de développement plénier et de bien commun universel sans bien spirituel et moral des personnes, considérées dans l’intégrité de leur âme et de leur corps. » Benoît XVI, Caritas in Veritate, 76.