Je vais me borner, dans cette réponse, à la population d’origine européenne, que j’ai plus l’occasion de côtoyer que celle d’ origine maghrébine, depuis que j’ai quitté Lyon d’abord et ensuite Le Puy en Velay pour m’installer en Morbihan. Et ma réponse est oui, l’évolution est lente mais, on peut le dire, assez constante en direction.
La faille qui sépare la grande majorité de nos compatriotes d’une petite minorité qui s’étoffe quantitativement, continue à s’élargir. La majorité a de moins en moins de repères religieux et moraux, c’est une évidence, et parallèlement elle a également de moins en moins d’intérêt pour la politique et le syndicalisme. Elle ressemble, malgré les siècles qui l’en sépare, au peuple romain qui réclamait à l’empereur du pain et des jeux! Les leaders politiques et syndicaux s’arrachent les cheveux pour arriver à la remuer! Elle n’ a plus d’ ambition professionnelle parce qu’il faudrait faire des efforts, prendre des risques et peut-être changer un petit cadre de vie médiocre, mais auquel elle est habitué.
Fait partie de cette majorité à l’ encéphalogramme plat côté religieux et moral, une petite fraction de classe sociale et économique élevée, qui n’ a aucun contact avec le » peuple « , car son seul moteur, c’est l’ argent. Je repense aux cantiques de ma jeunesse : » Je n’ ai qu’une âme qu’il faut sauver » et je me dis que leur refrain, c’est plutôt : » Je n’ai qu’ un corps qu’il faut choyer « !
Inutile de dire que bâtir un couple susceptible de tenir une vie, avec un bagage aussi léger, c’est mission impossible: les sociologues confirment. Du coup, on se marie de moins en moins, ce qui économise le coût du mariage et celui du divorce. Mon journal quotidien local donne le dimanche un supplément » féminin « , avec un courrier des lectrices et lecteurs, les demandes de conseils et les réponses de la psychologue de service: cela confirme le diagnostic porté sur l’ encéphalogramme de la population majoritaire.
Une observation complémentaire: le dimanche matin, les plus actifs vont faire leur jogging hebdomadaire et je les croise ou les dépasse, selon le cas, en partant célébrer la Messe. La plupart a deux écouteurs sur les oreilles pour éviter, je pense, un silence dont ils ont perdu l’habitude et qui les inquiète. A chaque fois, je pense au merveilleux livre du Cardinal Sarah sur le silence, aux retraites que j’ai faites dans les foyers de Charité, à mes ballades à bicyclette sur les petites routes tranquilles de Bretagne ( du moins quand les vacanciers sont partis! ). Ce vide intérieur favorise certainement tous les drames des couples et familles, qui meublent en partie mon journal local. Je ne suis nullement pessimiste, Marthe Robin m’a guéri il y a plus de quarante ans! Je suis seulement réaliste, hélas, mais quel gâchis!
Heureusement il y a la petite minorité, qui ne se contente pas de grandir en quantité. Il y aura demain une semaine, dans un petit village de Loire Atlantique, au cours d’ une journée organisée par un couple local, les quatre prêtres que nous étions avons confessé environ trois heures de suite et imposé en clôture de Messe cent cinquante scapulaires, dédiés aux Cœurs Unis de Jésus et Marie. Et ce n’ est ni la première ni la dernière fois : étonnez-vous que je sois sûr du renouveau!
Père Y. Bonnet