Un détournement de l’expression de saint Ignace.
Nous citerons ci-dessous le passage exact de saint Ignace qui parle de la » queue de serpent ». Un quizz en milieu plus ou moins bien informé donnerait :
A : Il s’agit d’une vengeance du démon, un coup de queue quand on lui a ravi une âme, un » gros poisson ».
B : Une épeuve matérielle, physique, un » sale coup » juste avant ou après une grâce, qui montre que l’on est dans le bon chemin.
C : La fin mauvaise d’une action qui semblait commencer sous l’action de l’Esprit.
A : Il s’agit d’une vengeance du démon, un coup de queue quand on lui a ravi une âme, un » gros poisson ».
B : Une épeuve matérielle, physique, un » sale coup » juste avant ou après une grâce, qui montre que l’on est dans le bon chemin.
C : La fin mauvaise d’une action qui semblait commencer sous l’action de l’Esprit.
Si vous avez choisi A et B, allez lire les exercices spirituels de saint Ignace, la sixième règle de discernement.
La sixième règle de discernement de Saint Ignace.
» Quand l’ennemi de la nature humaine aura été senti et reconnu à sa queue de serpent et à la fin mauvaise vers laquelle il conduit, il est profitable, pour celui qui a été tenté par lui, de regarder ensuite le déroulement des pensées bonnes qu’il lui a présentées et leur commencement et comment, peu à peu, il a essayé de le faire descendre de la suavité et de la joie spirituelle où il était, jusqu’à l’attirer vers son intention dépravée. Ainsi, par cette expérience connue et notée, on se gardera à l’avenir de ses tromperies habituelles. » Exercices Spirituels, sixième règle, Desclée de Brouwer, p 192.
Les erreurs propagées par un vocabulaire non adapté.
Un vocabulaire non adapté dans certains milieux chrétiens, notamment charismatiques mais pas seulement, fait de la queue de serpent une expression désignant….une confirmation du discernement personnel dans le combat spirituel. Comment arrive-t’on à cette inversion ? On considère qu’une épreuve, un échec, un coup rude, un accident, une voiture qui tombe en panne au moment crucial, etc, est une sorte de vengeance concrète du démon. Donc, s’il n’est pas content, c’est que l’on est dans le bon chemin, et ce que l’on entreprend est de Dieu. Mais cette pensée magique, qui crée un rapport de cause à effet entre des événements qui n’ont pas de lien possible réel déguise en confirmation du ciel les conséquences parfois claires…de nos erreurs et de notre péché ! C’est là qu’en réalité il peut y avoir un piège du tentateur.
Le maillon manquant du discernement : l’humilité.
Comment voir clair ? Saint Ignace conseille de regarder les pensées bonnes de départ puis leur évolution. Il s’agit de décisions et d’actions généreuses….qui tournent mal. La » queue de serpent » se situe dans l’échec, la catastrophe pastorale, la contre-évangélisation ou le contre-témoignage en fin de parcours. Saint Ignace n’entre pas dans de longues considérations de culpabilité, mais dans une reconnaissance humble de l’erreur, du péché aussi. On a été trompé, désormais on se gardera des tromperies et on saura les reconnaître. L’humilité implique alors de regarder en face l’ampleur de la tromperie, car l’ange des ténèbres est habile à se déguiser en ange de lumière. Et si ce qu’on avait pris pour des confirmations étaient le résultat de notre orgueil refusant de voir ?
Observer le déroulement des pensées bonnes.
Les pensées bonnes de départ peuvent se corrompre…et l’orgueil spirituel se glisser derrière l’idée que Dieu nous approuve en laissant le diable s’occuper directement de nous, comme si nous étions assez grand déjà pour le combat spirituel direct façon Padre Pio ! Ainsi, l’accident de voiture dû à la fatigue, au surmenage, devient » une tentative directe du démon de nous tuer parce qu’on porte une grande mission »….ou bien, l’ordinateur volé ( que l’on a pas surveillé) et qui contenait les sermons d’un genre nouveau et révolutionnaire est le signe…que le diable ne veut pas que l’on diffuse notre pensée…Un avion qui a deux heures de retard empêchant un rendez-vous d’apostolat devient le signe d’un enjeu céleste…Mais peut-être en réalité s’agit-il de notre pensée propre diffusée sous couvert d’évangélisation qui se cherche des justifications plus ou moins magiques. Le critère de discernement n’est pas dans le vol d’ordinateur mais dans l’adéquation et l’obéissance au magistère! La vraie queue de serpent apparaît et peut être reconnue quand on s’aperçoit que l’on ne fait pas le bien que l’on voudrait mais le mal que l’on ne voudrait pas, c’est-à-dire que l’on suit un chemin qui s’éloigne de la foi de l’Eglise. Ce n’est que lorsque l’adéquation à la volonté de Dieu a été vérifiée, qu’elle est certaine et confirmée par une obéissance ecclésiale, que l’on peut s’interroger sur des obstacles inhabituels ( ce sont aussi des choses qui arrivent!).
La » fin mauvaise » de la bonne intention de départ est en réalité le moment précis d’une conversion possible en profondeur.
Ainsi, la queue de serpent une fois démasquée, » reconnue », permet d’avancer : on prend note, on s’humilie, on se confesse si nécessaire et on repart un peu moins présomptueux. A condition de ne pas s’accrocher à une vaine gloire subtile : celle du martyr que le démon assaille de ( fausses) queues de serpent incessantes en masquant ainsi la ( vraie) queue de serpent qui nous fait prendre des vessies pour des lanternes et même parfois nos erreurs pour une mission! Comme nous le disions plus haut, l’étape court-circuitée sera souvent celle de l’obéissance ecclésiale, le glissement des bonnes pensées vers la volonté propre, vers le refus de la mort à soi-même, vers une évangélisation qui sert d’autres fins et d’autres buts que l’Evangile, buts de développement personnel, de gloire spirituelle, etc….
La conversion passe par un retour à la condition commune des pécheurs faciles à berner, mais toujours prêts à revenir à Dieu en vérité. En examinant les bonnes pensées, on retrouve le bon chemin, en examinant là où on a dévié et où on s’est éloigné de ces bonnes pensées de départ à distinguer de pensées généreuses mais non exempt d’erreurs. ..On apprend à se connaître au plan spirituel ( rien à voir avec la connaissance psychologique) et à reconnaître les artifices de l’ennemi. Et Dieu rattrappe nos bourdes!