Prêtres et laïcs peuvent-ils évangéliser séparément sans que l’un accompagne l’autre?

D’abord être des Christi Fideles

Prêtres et laïcs peuvent-ils évangéliser séparément sans que l'un accompagne l'autre?
Derrière cette question, un enjeu : une évangélisation basée sur le respect de la conscience des fidèles. Et ici, un mot vient déjà unir les deux réalités complémentaires de prêtres et laïcs, le mot de fidèles. De nombreuses conceptions erronées du rapport prêtres/laïcs viennent de l’oubli du fait que tous sont avant tout des Christi Fideles. Egaux en dignité de par le baptême.( Lumen Gentium 30 à 37)

« Regarder le Peuple de Dieu, c’est rappeler que nous sommes tous entrés dans l’Église en tant que laïcs. Le premier sacrement, qui a scellé à jamais notre identité et dont nous devrions être fiers à jamais, est le baptême. » Pape François, lettre au cardinal Ouellet 19 mars 2016

Le pape François s’élève de la façon la plus juste contre le cléricalisme, lequel entraîne un  » laïcisme » de réaction. Chacun part en vrille sur le modèle d’une hypothétique supériorité, habillée de mots et de pratiques problématiques…


Agir sans l’autre?

Prêtres et laïcs peuvent-ils évangéliser séparément sans que l'un accompagne l'autre?
Si comme le rappel le pape François, les laïcs ont pu évangéliser la Corée sans prêtres pendant plus de deux cents ans, c’est qu’il leur est possible d’agir de façon autonome tout en étant pleinement en communion ! ( Interview la Croix, mai 2016)
Ce n’est pas une rupture ( tout le monde voudrait inventer des ruptures, en ce moment!), mais la preuve d’une liberté d’action qui vient justement d’une juste conception du rapport Prêtres/Laïcs. Tous étant des Fidèles consacrés au Christ en vertu de leur baptême ( Lumen Gentium 31et 32), l’évangélisation est le but commun mais avec des modalités différentes, dans un rapport de service mutuel.

Les uns aux service des autres, et pas les laïcs au service des prêtres ou les prêtres au service des laïcs.

Une bonne définition du service mutuel, selon la vocation propre, évite l’instrumentalisation des uns aux profit des autres…concrètement, les communautés ou paroisses où les prêtres dirigent les laïcs qui se considèrent au service de l’évangélisation faite par le prêtre…sont en plein cléricalisme!

« Sans le savoir, nous avons généré une élite de laïcs, considérant qu’ils doivent se cantonner à servir les « prêtres »  » Pape François, lettre au Cardinal Ouellet

 » Les fidèles laïcs font partie du peuple saint de Dieu et par conséquent sont les protagonistes de l’Église et du monde, que nous sommes appelés à servir et non à être servis par eux. » idem

Le pape François rappelle dans sa lettre au cardinal Ouellet que c’est l’inverse qui doit se produire en terme de service : les prêtres sont au service de l’évangélisation des laïcs, de l’apostolat des laïcs, par leur sacerdoce ( = service!). Il s’agit d’inverser un mouvement centrifuge, centré sur le prêtre, devenu…le centre de tout, avec le concours malheureux des laïcs. Peut-être est-ce véritablement ce mouvement retrouvé vers les périphéries qu’impulse le pape François qui rend le prêtre heureux dans sa vocation! Sa place reste néanmoins moins centrale et instituée par le Christ, mais comme un coeur qui envoie le sang circuler! 


Paternité décentrée : vers un apostolat des laïcs nourri par les sacrements, en pleine liberté et communion.

Prêtres et laïcs peuvent-ils évangéliser séparément sans que l'un accompagne l'autre?
C’est en devenant l’homme de l’Eucharistie et des sacrements que le prêtre se décentre, quittant l’image du gourou humain qui gouverne tout et dirige tout, y compris les consciences, et devenant image fiable du Père des Cieux…Par les sacrements, le prêtre permet au Christ de gouverner, nourrir et accompagner. C’est donc dans les sacrements en premier lieu que le prêtre révèle le Père du Ciel, par les gestes du Christ. Cette paternité spirituelle décentrée du  » moi » personnel grâce aux sacrements,  » ce n’est plus moi qui agit mais le Christ en moi »…est comprise souvent à l’envers comme une autorisation…d’autoritarisme, de paternalisme. Dans les communautés et paroisses où le prêtre doit gouverner avec les laïcs, son rôle est justement au for externe ( organisationnel) d’encourager, de promouvoir, de libérer ( et oui!) les initiatives des laïcs, bref, de respecter leur autonomie et leur compétence de laïcs sans jamais prendre le contrôle de leur responsabilité propre. en cela, il est interdit au prêtre d’user du for interne pour prendre le contrôle des décisions. Son respect pour la liberté d’action des laïcs consiste aussi et précisément à ne pas empiéter sur ces responsabilités et décisions!

Laïcs nourris des sacrements, soutenus, libres de lancer des initiatives d’apostolat et de les diriger eux-mêmes!

Quand le prêtre exerce une paternité spirituelle sacramentelle avant tout, les laïcs regorgent d’initiatives et de vie, de créativité et d’élan, dans une communion continuellement ressourcée non pas à la personne humaine du prêtre, aussi sympathique et saint soit-il, mais aux sacrements. 
Comment alors éviter un déséquilibre prêtres/laïcs, ou des conflits de direction dans tous les sens du terme : conflits dus à l’étouffement des initiatives et libertés des laïcs, conflits dus à l’omniprésence du prêtre au for externe et au for interne dans la liberté des laïcs, conflits larvés de laïcs prenant sur le même modèle d’omniprésence une autorité de type sacerdotale copiée et usurpée?

Agir ensemble, ne pas confondre agir et…prendre le contrôle!

Prêtres et laïcs peuvent-ils évangéliser séparément sans que l'un accompagne l'autre?
Et oui, prêtres et laïcs ne peuvent rien faire l’un sans l’autre, car on ne voit pas comment une composante de l’Eglise pourrait agir sans l’autre composante…encore faut-il comprendre ce que veut dire  » faire »…De quelle action chacun est-il responsable?
Lorsque l’action est confondue avec la prise de contrôle…La juste relation laïcs/prêtres, c’est toute la différence entre prendre le contrôle ( souvent en cumulant le contrôle du for externe et du for interne, en prenant le contrôle!), et agir en communion. Quand on agit en communion, on ne peut rien faire l’un sans l’autre, mais on ne fait pas la même chose en même temps pour atteindre le le but fixé, on accomplit sa part, pas celle de l’autre! Et on ne contrôle pas l’action de l’autre comme un double de soi-même…bref, on ne peut rien faire sans l’autre LIBRE!

 » Et ce discernement nous devons le faire ensemble avec notre peuple et jamais pour lui ou sans lui. »Pape François, lettre au Cardinal Ouellet


Ne rien faire sans l’autre : exemple d’interprétation erronée de la communion laïc/prêtre

La communion entre les laïcs et les prêtres peut être mal interprétée selon les charismes et histoires communautaires….On a pu croire ici et là que cela signifiait par exemple que le prêtre devait se soumettre au gouvernement des laïcs ( laïcisme), ou l’inverse ( cléricalisme). La sagesse canonique recommande ( fortement!) que les laïcs dirigent les laïcs, et les clercs dirigent les clercs dans les structures qui leur sont propres. En cas de mixité de la structure, le principe reste valable pour ce qui concerne chaque vocation en propre, le gouvernement conjoint se faisant à l’étage au dessus. On pourrait dire que chacun s’administre, et qu’un conseil gouvernemental articule l’ensemble dans le respect de chaque identité. C’est au niveau de ce  » conseil gouvernemental d’ensemble » que se fait la communion dans le charisme commun. ( Instituts, société, mouvements, etc!)

Structuration concrète de l’action.

Prêtres et laïcs peuvent-ils évangéliser séparément sans que l'un accompagne l'autre?
Pour agir d’un commun accord, avec toute la puissance évangélisatrice d’un juste rapport laïcs/prêtres, les structures d’évangélisation doivent de doter de canaux de communion mutuelle et d’actions clairement définies et réparties.
Par exemple, dans les réalités ecclésiales issues de Vatican II qui ont un bon rapport laïcs/prêtres, les responsabilités des laïcs dans le domaine temporel ne sont pas  » supervisées » ou  » contrôlées » par des prêtres en ce qui concerne la compétence propre des laïcs à gérer le temporel ! Si un prêtre est présent dans un conseil d’administration, ce qui peut être légitime, ce n’est pas une obligation…les laïcs sont aptes à imprégner le temporel de l’esprit de l’Evangile sans être contrôlés comme des enfants!

« Le cléricalisme conduit à la fonctionnarisation des laïcs, les reléguant au rang de « garçons de course », bloquant ainsi les initiatives diverses, les efforts et l’audace, si je puis dire, nécessaires pour apporter la Bonne Nouvelle de l’Évangile dans tous les domaines de la vie sociale et surtout politique. » Pape François, lettre au Cardinal Ouellet.

Donc, certaines réalités d’apostolat peuvent être légitimement sans présence cléricale, ou avec cette présence, selon le charisme reçu.

Mais dans les cas précis de présence du prêtre dans l’administratif requiert une prudence majeure et canonique : l’interdiction pour lui d’agir au  niveau du for interne sur les personnes concernées directement par le conseil administratif. Que de conflits lorsque le prêtre confesse ou accompagne spirituellement des membres d’un conseil d’administration, en désobéissance ou ignorance du droit canon ! Il reprend alors un contrôle ambigu, risqué, dangereux, sur les consciences des personnes et s’expose à des conflits redoutables d’influence, et dans tous les cas de figure, au soupçon de manipulation des conscience. Sa simple présence peut fausser l’image sacerdotale s’il n’est pas précisé clairement dans le règlement du conseil administratif que le prêtre n’a aucune responsabilité d’accompagnement individuel au for interne ( confession, direction spirituelle, accompagnement spirituel) sur les membres du conseil d’administration, ni sur les administrés! En général, les conseils administratifs rendent compte de leur gestion au conseil gouvernemental, donc à l’échelon au dessus.


Etre dans un conseil gouvernemental et être dépositaire d’un charisme ecclésial.

Prêtres et laïcs peuvent-ils évangéliser séparément sans que l'un accompagne l'autre?
Il est tout à fait possible à un prêtre d’être membre d’un conseil gouvernemental d’une oeuvre ( mouvement ecclésial, communauté, société, institut) comportant des laïcs et des prêtres. La présence au conseil d’administration peut être problématique mais solutionnée, la présence au conseil gouvernemental d’une réalité ecclésiale se situe au degré au dessus et ne pose pas de problème, au contraire, selon la nature de l’oeuvre concernée.

Mais le respect de la séparation for interne, for externe reste tout aussi primordial. Le prêtre présent dans une instance de gouvernement doit préserver un charisme de communion en lien avec des laïcs, encourager la communion et le respect des prérogatives des laïcs tandis que les laïcs doivent encourager et préserver l’accès au charisme sacerdotal. Pour cela, le prêtre comme le laïc, présent dans une instance de gouvernement ne doit en rien risquer d’être dans la position du gourou qui  » gouverne par accompagnement personnel interposé ». Voici sous la plume du Pape François une description de ce que peut être le rôle du prêtre de façon authentique dans une instance de co-gouvernement avec des laïcs :

 » Il n’est point le berger qui dicte aux fidèles ce qu’il faut faire ou dire ; ils le savent aussi bien sinon mieux que nous. Ce n’est point le berger qui doit déterminer ce que les fidèles doivent dire dans telle ou telle situation. En tant que pasteurs, en communion avec nos fidèles, nous ferions mieux de nous demander que faire pour encourager et promouvoir la charité et la fraternité, le désir du bien, de vérité et de justice ; comment faire pour que la corruption ne s’installe pas dans nos cœurs ? » Pape François, lettre au Cardinal Ouellet.

D’autres doivent assurer, dans le respect du charisme de la réalité ecclésiale concernée, la confession et l’accompagnement spirituel. Ce peut être une branche sacerdotale du mouvement, de la communauté, de la société, etc…avec son propre fonctionnement, dans lequel n’interviennent pas les laïcs….Car les laïcs aussi peuvent jouer les gourous….A chacun son rôle bien défini ! Quand on évite de mélanger for interne et for externe ( les laïcs peuvent le faire en usant par exemple du for interne psychologique), on reste libre d’incarner et de préserver un charisme ecclésial authentique.

Cette distinction for interne/for externe, sa juste coordination canonique, mène au respect de la conscience de chacun, libérant le prêtre d’un rôle qui n’est pas le sien, protégeant le laïc, affermissant la communion ecclésiale des Christi Fideles entre eux…il s’agit d’un champ à explorer qui pourrait apporter paix et équilibre dans le rapport prêtres/laïcs tel que Vatican II l’a souhaité.

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